Article n° 1

Article rédigé par Omer BRANS pour la revue du S.I.A.  -Ingénieurs de l'automobile-

(pp. 31-32 du numéro 725) qui présente le point de vue de notre entreprise.

Paru en Octobre 1998

 Tribune libre

Le Mondial vu par Omer Brans

Président du conseil d'administration de la société "Brans studio". société de droit britannique, Omer Brans nous présente les visions d'avenir de l'entreprise au travers de deux concepts ainsi qu'une réflexion sur quelques thèmes stylistiques abordés par Renault et Citroën.

Notre société est spécialisée dans l'étude et le développement complet de concepts novateurs dans les domaines aéronautique et automobile. Ces concepts répondent à des critères très précis tant au niveau performances que qualité et sécurité, et s'attachent à répondre de façon optimum aux besoins des futurs marchés afin de garantir leur succès commercial et leur rentabilité.

Dans le domaine automobile, le projet f4 élaboré par notre équipe, répond à ces objectifs et bénéficie de transferts de technologies qui lui permettent de dépasser l'ensemble de ses concurrents dans un grand nombre de domaines, tout particulièrement au niveau consommation, ergonomie, sécurité et performances.

En concevant la carrosserie de ce véhicule, nous avons cherché à obtenir une ligne harmonieuse et fluide, indémodable, compatible avec une aérodynamique optimisée. L'économie de carburant qui en résulte est d'environ 14 %. conçue pour être déclinée en une gamme complète, la " f4” bénéficie de coefficients de portance négatifs à valeurs ajustables.

Autre exemple dans le domaine de l'aéronautique "Brans studio" a élaboré les plans d'un avion quatre places à l'aérodynamique optimisée et construit autour d'un moteur révolutionnaire tant par son mode de fonctionnement que par son encombrement. Les performances attendues, sans Ítre supérieures à celles des dernières créations américaines en composites, dépassent largement celles des conceptions européennes traditionnelles et dont la première mise en service remonte parfois à plus de 40 ans. Notre but a été d'abaisser le coût du kilomètre passager en maximisant l'aspect sécurité. Avec 200 ch, 4 personnes à bord, les 1700 km de rayon d'action pourront Ítre parcourus à la vitesse moyenne de 190 noeuds sans craindre la panne moteur, grâce à un certain nombre de choix techniques et de configurations.

Notre visite au mondial de l'automobile nous inspire quelques réflexions.

Avec son concept Vel Satis, Renault nous présente une étude très originale et osée où l'arrière du véhicule ne suit pas les lignes fuyantes habituelles et doit probablement améliorer un peu l'aérodynamique au niveau de la traînée de sillage par rapport à certains véhicules contemporains. La forme de la lunette arrière y est pour beaucoup, celle du coffre un peu moins. L'idée est originale, même si elle rappelle un passé automobile lointain. L'avant, avec son capot et son pare-brise dans un même plan très incliné, est sans nul doute une réussite indiscutable car il répond à des critères objectifs d'aérodynamique, d'esthétique, d'encombrement et de fonctionnalité. On est en droit d'y attendre un écoulement laminaire sur cette partie représentant une très grande surface, mais malheureusement, la calandre vient casser cette ligne en se positionnant de façon presque verticale et nous rappelle la période art déco. Une section frontale aussi importante est certainement extrêmement pénalisante en termes de consommation et c'est bien entendu l'automobiliste qui devra la financer.

Définir à l'avance quelles seront les solutions d'avenir représente des enjeux et une problématique considérables. Chaque constructeur a ses méthodes pour cela et l'on peut constater qu'ils cherchent souvent à percer l'avenir en ressuscitant certains thèmes du passé ! ces choix a contrario ne sont pas des cas isolés et démontrent toute la difficulté des constructeurs, voire de leurs bureaux d'études, à se tourner véritablement vers le futur en faisant preuve d'initiative et en tirant définitivement un trait sur leur passé. Il est vrai que parfois d'excellentes idées ont été abandonnées prématurément et qu'elles sont reprises plusieurs décennies plus tard à juste titre, mais toujours parce qu'elles présentaient un intérêt évident et une logique par rapport à l'avancement des connaissances et des techniques. Toutefois, ces remarques n'enlèvent rien aux idées que nous considérons comme géniales et qui transpirent à travers ce concept de Renault.

Chez Citroën, la Xsara Picasso, dont la production en série est prévue pour 1999, présente certains aspects innovants tout en restant très traditionnelle. En effet, on retrouve un avant avec un pare-brise et un capot moteur dans le même plan et très inclinés, mais moins que sur la Vel Satis. ce choix semble être bon pour les mÍmes raisons que précédemment. Malheureusement encore une fois, on constate la présence de larges ouïes de refroidissement moteur situées au-dessus du pare-chocs qui devraient probablement pénaliser le véhicule au niveau consommation. Les entrées d'air situées sous le pare-chocs ne seraient-elles pas suffisantes ? certains constructeurs l'ont toutefois estimé, et il semble que ce soit à raison. Le succès commercial de la Xsara Picasso nous semble néanmoins assuré car il se situe dans le fil naturel de l'évolution automobile.


Article N°2

Article rédigé par Omer BRANS pour la revue du S.I.A.  -Ingénieurs de l'automobile-

(pp. 28-32 du numéro 737) qui présente le point de vue de notre entreprise.

Paru en mai 2000

Comment choisir des solutions et des projets automobiles d'avenir pour assurer le succès commercial et la pérennité de l'entreprise ? Tel est l'objectif de nombreux constructeurs automobiles et chacun aura ses propres méthodes souvent issues de l'histoire de l'entreprise même.

Pour arriver à cet objectif, il nous semble incontournable de faire appel à certains outils d'analyse riches d'enseignements. Il est hors de question de passer ici en revue l'ensemble de ces moyens, ce qui nécessiterait une littérature encyclopédique, mais nous avons relevé quelques points qui nous paraissent importants et que nous avons intégrés de façon prioritaire aux savoir-faire de notre bureau d'étude.

Avant toute chose, il faut s'interroger sur ce qui a déjà été réalisé par d'autres entreprises ou concepteurs afin d'en tirer une expérience sur ce qu'il faut faire, mais surtout sur ce qu'il ne faut pas faire. On ne peut pas aborder cet aspect sans avoir au préalable développé des outils statistiques d'analyse afin de révéler la cohérence de chaque réalisation. Ces outils, que l'on pourrait appeler " critères de qualité" vont permettre de comparer des véhicules entre eux et de trouver un lien de cause à effet entre le succès commercial (ou l'échec) et ces critères de qualité. Les plus simples de ces outils prennent la forme suivante : coût au km par passager, surface frontale par passager, surface mouillée totale*cx/passager, surface mouillée totale /kg/cv, kg/cv/volume habitable/passager, etc… Nous laisserons l'imagination de chacun œuvrer pour le choix des outils les plus judicieux, l'ensemble des possibilités étant presque sans limite. Il y a toujours une logique (souvent cachée) à l'échec ou au succès d'un véhicule ; le tout est de trouver les bons outils pour mettre à jour les aspects qui ont été prédominants dans cet événement. Il nous semble préférable de les prévoir que de les subir.

Bien d'autres aspects sont à prendre en compte et l'évolution des techniques est si rapide dans certains domaines que parfois, il n'existe pas de moyens scientifiques de prévoir quel sera l'accueil d'un projet. En effet, l'homme tire sa connaissance de l'expérience et, à moins d'avoir la science infuse, il faudra pour les plus compétents au moins un cycle de conception-fabrication-commercialisation pour tirer les conclusions de cette expérience et avoir accès à la connaissance concernant ce type de projet et ses équivalents. Toutefois, et ce n'est pas un cas exceptionnel, l'intuition, lorsqu'elle est bien maîtrisée, permet parfois de se projeter au plus près de la réalité future et est certainement l'outil le plus puissant et le plus rapide qui existe au monde. Tous les créatifs l'utilisent, avec plus ou moins de bonheur et avec plus ou moins de conscience. Tout comme l'on développe les fonctionnalités d'un logiciel, il faut aussi savoir cultiver cet aspect pour optimiser ses capacités créatrices. C'est ainsi que souvent un homme seul est à l'origine d'une œuvre gigantesque et que, sans lui, la création aurait piétiné des années et n'aurait peut-Ítre jamais vu le jour. Les exemples sont nombreux. C'est la raison pour laquelle la taille d'un bureau d'étude n'est pas proportionnelle à ses compétences et qu'il y a un grand risque à associer ces deux paramètres. L'intuition est probablement l'élément le plus difficile à identifier tant il est subtil, mais rien n'est pire que de rejeter ce type d'imagination et de s'enfermer ou d'enfermer ses ingénieurs dans un schéma mental trop rigide incompatible avec la créativité ; l'intuition étant toujours supérieure à la réflexion, mais l'usage des deux étant l'idéal. Nous sommes convaincus qu'il est primordial avant tout développement de nouveau projet de s'intéresser aux hommes et aux femmes et de leur permettre d'exprimer leurs capacités créatrices par une optimisation de la formation et des connaissances et par une gestion fine de la hiérarchie et des responsabilités. En effet, la créativité ne pourra jamais s'exprimer si elle n'a pas les bases scientifiques ou techniques et si elle est contingentée à des tâches stériles. A chacun de prendre en charge l'identification et la valorisation des créatifs et il nous semble que c'est là qu'il y a le plus de travail. On oublie trop souvent que l'entreprise n'est rien, mais que les hommes et les femmes sont tout.

D’autre part, les moyens matériels et surtout informatiques à notre disposition actuellement, dont la puissance a véritablement transformé les bureaux d'études, sont des armes à double tranchant. En effet, l'ordinateur est tellement plein de charmes et de potentiel que l'ingénieur peut se retrouver, d'une certaine façon, hypnotisé par la machine à son insu et faire de cet outil une finalité en soi alors qu'il devrait rester un moyen. L'ingénieur est d'une certaine façon absorbé par l'écran sans s'en rendre compte, il ne peut plus se projeter dans son imagination, mais joue simplement avec les fonctions du logiciel. Il nous semble de loin préférable de réussir un projet sur un coin de table de restaurant que de le rater sur catia ; ce qui est malheureusement déjà arrivé à une entreprise française sur un projet aéronautique de notre connaissance.

Le succès d'un projet, c'est aussi privilégier la ”forme” et " l'environnement”: c'est en quelque sorte mettre en commun tout un ensemble d'éléments (de machines, d'Ítres humains, de locaux, etc_) dont le savant mélange sera propice à la réussite. Cette osmose n'est pas spontanée et c'est au chef d'entreprise d'Ítre profondément impliqué dans cette tâche, à défaut de quoi il peut arriver les déboires que l'on a constatés chez certains constructeurs, avec des " cafouillages” tant au niveau commercial qu'au niveau technique, comme pour Mercedes par exemple (smart, a5 et les 24h du Mans).

Réussir un projet, c'est pour certains suivre le mouvement général, soit en copiant la concurrence, soit en l'améliorant, mais les plus évolués auront compris qu'il faut surtout précéder ce mouvement pour avoir une bonne longueur d'avance. Cela nécessite non seulement l'acceptation d'un large facteur risque, mais aussi l'application d'une méthodologie très évoluée et rationnelle portant sur la gestion de l'évolution des attentes de chacun des utilisateurs. Une sorte de baromètre qui doit permettre d'évaluer, non les tendances, mais le réel changement qui s'opère et dont la société est souvent aussi le reflet. Ici on ne parle plus de mode ou de style. Ces termes sont déjà dépassés car ce qui fait la mode se démode et ne présente qu'un aspect trop éphémère de peu d'intérêt. Changer légèrement la forme d'un pare-chocs, rajouter une branche au volant, faire apparaître quelques minimes modifications esthétiques qui n'apportent rien de rationnel (aucune amélioration majeure d'un aspect technique du véhicule), parfois même en alourdissant la ligne générale, comme cela a été le cas sur certaines japonaises pour faire croire à un nouveau modèle, relève d'une pure réflexion marketing qui a pour but, entre autres, de prendre les acheteurs pour des porte-monnaie à faible qi. ce type de réalisation est absolument incompatible avec une quelconque vision réaliste du futur. Céder à un style, par exemple à des formes faites uniquement de lignes brisées ou au contraire uniquement de lignes rondes comme le bio-design, c'est accepter dès sa création la mort du projet, car cette représentation est trop manichéenne pour correspondre à une vision durable que l'être humain a sur le véhicule qui doit évoluer dans un monde fait de multiples et fines nuances. Ce qui est trop excessif lasse vite. Tout est question de savant dosage, c'est une cuisine raffinée qui ne doit pas dégoûter l'acheteur. Le grand potentiel des technologies utilisées et les évolutions possibles de ce véhicule futuriste doivent permettre de susciter l'étonnement et l'admiration de l'acheteur en évitant son désintérêt. Porsche maîtrise parfaitement cet aspect, et le potentiel de départ de ses véhicules est extraordinaire. C'est en grande partie dû à la cohérence technique, mécanique et aérodynamique très poussée et optimisée presque à son maximum dès le départ. D’autres constructeurs préfèrent revivre l'évolution de l'automobile en passant par tous les stades possibles et imaginables, même si cela ne correspond à rien de rationnel mais simplement à une mode. Cette voie est sans fin car les combinaisons sont sans limites et sans règles. Seules, la physique, l'aérodynamique, la résistance des matériaux, l'ergonomie, entre autres, ont des règles logiques et c'est en les comprenant et en les respectant que l'on approche de la réalité future : c'est à ces règles que le véhicule doit se soumettre, et non aux phantasmes subjectifs d'un chef de projet qui ne pourront répondre qu'à une mode. Le plus dur est de faire la synthèse de tous ces aspects dans une création homogène où chaque élément est en harmonie avec son voisin. Le summum est de rendre ces éléments multi-fonctionnels pour générer une redondance des systèmes, synonyme de sécurité mais aussi d'efficacité. L'approche de ce type de conception ne peut pas se faire suivant un mode classique, mais doit se réaliser autour des éléments de base ou vitaux qui devront être définis avec précision dès le départ. Si nous prenons l'exemple de l'avion : il est préférable de construire l'avion autour du moteur et des passagers, et non le contraire qui reviendrait à essayer de mettre un moteur et des passagers dans une cellule d'avion construite avec des dimensions arbitraires. Le rapprochement de cette méthodologie avec celle utilisée en automobile montre une opposition évidente. Aucune autre approche, à notre sens, ne permet d'envisager le succès d'un projet futuriste à longue durée de vie.

Hormis l'aspect purement technique, c'est aussi la philosophie du véhicule qui doit évoluer. D'une simple charrette à moteur, on est passé à un moyen de transport fiable et sécuritaire. Mais là ne s'arrête pas l'évolution, car en fait elle ne s'arrête jamais, et c'est dans les mentalités et dans les nouveaux besoins de l'homme et de la femme que l'on trouvera la réponse à ce que doit être le nouveau véhicule à succès. Ce n'est certainement pas dans les bureaux d'étude que jaillira l'étincelle initiale à cette réponse. En effet, les conseilleurs ne sont pas les payeurs et c'est l'utilisateur, et non le concepteur, qui achètera ce véhicule en fonction de ses besoins du moment ou à venir, dont il n'est parfois pas encore conscient. Ces besoins sont fortement liés à des facteurs sociaux, économiques et politiques souvent peu évidents à mettre à jour. Mais on constate que la tendance de ces dernières années va vers une diminution du temps de travail, vers une démocratisation des loisirs avec une tendance à l'éclatement de la cellule familiale d'un côté et à un renforcement de cette dernière de l'autre. Des extrêmes plus prononcés en quelque sorte, tout comme dans le monde du travail. L'avènement de l'espace ou du monospace est la conséquence logique de cet état de faits où les plus grands volumes habitables libèrent de certaines contraintes et rendent plus vivable le véhicule. On essaye de profiter plus de la vie et de sa famille dans un environnement de plus en plus hostile, et on travaille pour vivre plus que l'on ne vit pour travailler. L'automobile est de plus en plus un espace de vie et, avec les nouvelles technologies de communication, va devenir un espace de travail incontournable. Moyen de transport, espace de vie et prochainement bureau mobile, espace de jeux et de culture, telle est l'évidence que nous attendons avec impatience car nous en avons un réel besoin.

Toutes ces conditions nécessaires ne sont évidemment pas suffisantes et de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte (maniabilité, dimensions, modularité,…). En effet, de plus en plus conscient de la valeur des choses, le client se fait plaisir rationnellement en pensant à sa famille et, même s'il souhaite être valorisé par son véhicule, il fera toujours un choix qui correspond à sa réalité et à son schéma mental ; sa forme d'esprit en quelque sorte. il doit pouvoir se reconnaître dans le véhicule qu'il a choisi et qui lui correspond. mais le seul aspect que l'acheteur non-technicien (cas le plus courant) pourra appréhender facilement concerne l'esthétique. Il n'aura besoin d'aucune formation particulière pour dire s'il " aime ” ou s'il " n'aime pas” et, si toutefois cette vision simpliste lui donne accès à une faible compréhension du véhicule, c'est une compréhension importante qui le satisfera en grande partie. Moins on est connaisseur des sciences mécaniques, plus on s'attache à la forme (l'esthétique) et moins au fond (mécanique)on achète donc une voiture aussi et surtout pour son esthétique qui doit correspondre à l'image que l'on a de soi-même, tant au niveau du caractère que du physique. C'est pour cela qu'il faut éviter la laideur et que ce moyen de transport ne peut se vendre correctement que s'il transporte lui-même un message parfois invisible mais très réel : celui de parler à l'inconscient de l'acheteur et de lui faire dire " cette ligne me plaît et j'aime bien telle forme", même si en fait il sera probablement incapable de définir quelle est la profonde et initiale raison de son choix. La difficulté réside dans le fait que tous les acheteurs sont différents et qu'idéalement ils voudraient chacun un véhicule différent et unique leur correspondant, chose absolument impossible. Toutefois, certains automobilistes y arrivent au travers du "tuning" qui cristallise bien ce désir de différence. Voilà pourquoi la seule échappatoire à ce dilemme est de faire appel à de l'art véritable et unanimement reconnu. Certains l'ont bien compris et ont à juste titre fait d'une Xsara un "Picasso"! aujourd'hui, pour assurer la pérennité d'un véhicule, les constructeurs doivent opérer une transmutation en faisant de leurs créations automobiles des créations artistiques. En faisant descendre l'art dans la rue, ils permettront de faire évoluer l'automobiliste en le mettant face à une création de qualité qui ouvrira son champ de vision et son champ de conscience sur une nouvelle façon d'appréhender la matière. Tout comme le langage permet de formuler des raisonnements et est ainsi à l'origine de la plupart des découvertes, la matière artistique, traduite dans un véhicule automobile, va permettre à celui qui est concerné de toucher une nouvelle réalité du monde qui l'entoure. Cela va rendre l'automobiliste plus intelligent, car l'intelligence est aussi un phénomène d'apprentissage, et il sera plus sensible aux créations de qualité, ce qui va dans le sens d'une fidélisation de la clientèle. De plus, les nouvelles fonctions auxquelles il va avoir accès dans son véhicule vont générer de nouveaux besoins et lui faire découvrir une nouvelle approche de la vie. Un véhicule à vivre, spacieux, va lui permettre une utilisation plus diversifiée et influer sur son mode de vie. L'objet agit sur les individus et il faut donc absolument faire des véhicules intelligents très différents de cubes à quatre roues et éviter de leur donner des noms bÍtifiants du genre "modèle super style".

Ainsi les constructeurs ont-ils une sorte d'obligation morale, dont certains n'ont pas conscience : celle de faire évoluer l'être humain par la vision qu'ils ont de l'automobile au travers de chacune de leurs réalisations proposées à la vue et à l'usage. Répondre positivement à cette obligation morale, c'est garantir à coup sûr le succès du véhicule. Cette constatation est assez rassurante sur l'ordre des choses dans notre monde et l'on pourrait dire que " véhicule mal conçu ne profite jamais".

Pour éviter cela, on pourra tout simplement se poser une question qui paraît évidente, mais qui est souvent négligée : suis-je en train de faire mieux ou moins bien que le modèle précédent ou que la concurrence ? et parfois on fait beaucoup moins bien. C'est souvent le cas lorsqu'un véhicule a illuminé une marque par la splendeur de sa conception pendant quelques années et que l'on essaie de faire différent : comme on ne peut pas faire mieux, on fait moins bien ! en effet, il n'y a pas de multiples combinaisons pour réussir à 100% un projet en respectant un cahier des charges précis ; il n'y en a qu'une. Les autres solutions, qui peuvent ne pas être mauvaises, se rapprochent plus ou moins de cette perfection mais sont des succédanés qui auront plus ou moins de succès. La perfection étant impossible à atteindre et l'avancement des technologies reculant d'autant plus ses limites, il faut essayer de s'en rapprocher et d'intégrer régulièrement les nouvelles avancées scientifiques. si nous faisons l'analogie avec une conception aéronautique pour développer un avion monoplace de record à hélices, il n'y aura qu'une solution qu'il faudra trouver : c'est un avion à très faible surface frontale (en fonction des motorisations existantes) ; à très faible surface mouillée ; très léger ; avec un pilote de petite taille ; une hélice d'un diamètre et d'une vitesse de rotation calculée en fonction de la vitesse recherchée, etc… le hasard n'intervient pas et si l'on prend honnÍtement en compte tous les paramètres, il n'y aura qu'une seule solution véritablement adaptée. C’est pourquoi il convient de définir un cahier des charges précis, phase la plus importante dans l'élaboration d'un concept-car.tout doit y être formulé, mÍme ce qu'il ne faut pas figer et que l'on doit laisser libre pour permettre au projet de se développer sans carcan. La difficulté est de faire ces bons choix. Il serait dommage de condamner un projet dès le départ en verrouillant le cahier des charges sur une impasse.

L'exemple de la SM de Citroën est tout à fait édifiant par sa beauté toute française qui a malheureusement souffert d'une mécanique ne supportant pas l'à peu près au niveau entretien, tout comme la Fiat Dino, son équivalente italienne. C'est probablement une des raisons de leur faible démocratisation, même si la Sm bénéficiait de nombreuses innovations, abandonnées à tort sur les modèles suivants, puis reprises dernièrement. De la Ds à la Sm on constate une forte amélioration de l'esthétique, puis avec la Cx, la Bx et la Xm une dégradation progressive. Mais l'esthétique seule ne suffit pas à garantir un succès ; encore faut-il que tout le reste soit pensé et géré au mieux, au niveau mécanique en particulier. Nous regrettons vivement que cette base esthétique de la Sm ait été dégradée et n'ait pas revu le jour, même légèrement remodelée, en association avec un châssis et une mécanique modernes. En effet, c'est en associant des éléments réussis et optimisés, quel que soit leur âge, que le succès est garanti. Réunir uniquement des éléments de qualité entre eux pour en faire un véhicule homogène et ne pas faire d'impasse, même sur un élément, sous prétexte que les autres sont réussis (ce que font certains), c'est tendre vers un produit qui se vendra très bien. Changer trop fréquemment les modèles pour essayer de faire plus neuf et différent à chaque fois est un piège vicieux, un véritable cercle infernal stérile et prétentieux. En effet, à force de chercher tout le temps quelque chose de différent et d'essayer de créer un style ou une mode, certains constructeurs se retrouvent sans comprendre à re-décliner des thèmes esthétiques d'un passé lointain qui ne présentent plus aucun intérêt technique ni esthétique, car ils sont véritablement obsolètes. Ainsi, ils bouclent tel ordinateur qui n'a pas assez de mémoire vive pour gérer ses applications. Pour éviter cela il faut rester sur des bases logiques :


  • on ne change pas une équipe qui gagne, sauf si l'on veut perdre.

  • on garde ce qui est bon.

  • on améliore ce qui peut l'être.

  • on innove largement.

  • on fait toujours une approche de la conception dans sa globalité.

  • on surprend par la maîtrise de la technologie.

  • on suscite l'intérêt par le génie et la cohérence du concept.

  • et l’on vend !

Dans ces conditions seulement, il est justifié de ressortir des formes anciennes, vieilles de plusieurs décennies, et ce n'est pas un hasard si plusieurs modèles récents reprennent des thèmes esthétiques du passé.

Nous souhaitons vivement que les bureaux d'études, quelle que soit leur taille, intégrés ou non au sein d'industriels de l'automobile, adoptent largement ces méthodes de développement modernes. De trop nombreuses entreprises " bricolent dans leur coin” en piochant à droite, à gauche, des solutions techniques et esthétiques sans véritable cohérence d'ensemble. En agissant ainsi, ils nuisent à la profession en trompant, d'une part les acheteurs sur les qualités de fond des véhicules qu'ils conçoivent, et d'autre part ceux, trop naïfs, qui auront confié leurs idées à ces entreprises en pensant en avoir des retombées financières équitables. Ne pas respecter les inventeurs et les designers, c'est pénaliser tout le monde : l'entreprise, la société et l'économie, car certains oublient que les créatifs sont les principaux moteurs de l'évolution automobile. Les visions à très court terme sont souvent à l'origine de certains abus et nous encourageons vivement chacun à ne plus cautionner et mÍme à dénoncer un système de fonctionnement obsolète et très négatif pour tous.

Etablir de vrais dialogues, des échanges de compétences équitables, un travail en commun dans le respect de chacun, sont des conditions importantes pour favoriser l'émergence des compétences et de projets porteurs. La suspicion, la méfiance, les abus, les conflits latents n'ont jamais permis de voir l'aboutissement d'un projet cohérent. A l'image de leurs pères et concepteurs, les véhicules automobiles seront divins ou monstrueux, et l'intensité du culte dont ils feront l'objet y sera intimement liée. Nous attendons avec impatience chaque nouvelle création même, si nous savons très bien qu'il y aura parmi elles toujours un " dinosaure hideux” pour nous rappeler ce qu'il ne faut pas faire.




 

Tous droits réservés ©Omer Brans - février 1999 - © Brans studio - juillet 2001